Il n'y a que quelques jours que nous nous sommes installés à Vérone, profitant des bons conseils de Carlisle pour accélérer les démarches pour obtenir une maison à quelques rues de celle des Cullen. Et j'ai déjà le mal du pays. Pour commencer, l'Italie me rappelle bien trop de mauvais souvenirs, et met à mal ma crainte exacerbée de voir les Volturis nous tomber dessus. S'installer si près d'eux, quasi sous leurs fenêtres, tout en ayant rien trouvé de mieux qu'avoir amené Kate, ou encore Nessie. Folie. Ensuite, l'un des avantages de Denali, c'est l'absence d'humains aux environs immédiats. Quelque chose qui nous fait oublier de nous préserver du soleil pour sortir, ou encore ne pas nous méfier plus que cela d'une odeur humaine en pleine chasse.
Ici, le soleil est haut dans le ciel dès le matin levé, nous forçant à une vie bien plus nocturne qu'à l'accoutumée. Passe encore. C'est le fait de nager dans l'odeur humaine - entre autres vapeurs d'hydrocarbure -, qui est plus dérangeant. J'ai beau avoir eu un siècle pour oublier le gout du sang humain sur ma langue, je retarde ma première chasse autant que faire se peut. Et j'ai bien remarqué que Garrett ne tenait pas en place, même si sa curiosité pour les humains lui fait s'offrir le luxe de quelques rencontres. Concernant Kate et Tanya, je ne m'inquiète pas, elles ont largement plus d'expérience que nous dans le domaine. Et concernant Carmen? Je vais très vite le savoir.

Assis à même le sol sous un arbre au feuillage dense, je profite de l'ombre pour trainer dehors malgré le soleil levant. Nous sommes une famille, mais parfois, on a aussi besoin de s'isoler un peu. Et réfléchir. Même si Edward n'est pas ici pour apporter des réponses à des questions si fugaces que j'ignore même qu'elles me sont passées par la tête. Quelque chose d'assez déstabilisant au premier abord.

Un bruissement dans l'herbe me fait relever le regard vers Carmen, ayant semble-t-il décidé de partager ma solitude. Je reconnaitrais le rythme de ses pas entre milles et davantage encore. L'observant, je laisse un sourire marquer mes traits, même si je sais qu'elle me connait trop bien pour ça. C'est son don à elle, de remarquer quand je ne vais pas bien.

Nous nous sommes trouvés une petite maison bien sympathique non loin des Cullen, assez rapidement après notre arrivée. Nous sommes plus ou moins contents d'être là, mais il le fallait, pour notre famille, aucun de nous ne se voyait à l'autre bout du monde alors que l'action est ici, je ne crois pas.
Je discute avec Tanya, qui est très inquiète de la situation, surtout de se voir si proche des Volturi, elle déteste cette idée et je tente de la réconforter au mieux. Elle ne dit rien, mais je le vois bien, inutile de parler. Nous restons ainsi un long moment, sans que je n'y fasse véritablement attention, nous avons tout le temps, toute la vie pour parler, pour être présent pour les gens. Finalement au petit matin, alors que la brume n'est pas encore tout à fait levée, je sors dans le jardin. Je cherche Eleazar des yeux, mais c'est son odeur que je repère en premier. Il est sous un arbre, en pleine réflexion. Il se tourne vers moi avec un sourire aux lèvres, mais c'est faux, je le sens bien. Je le connais par cœur, enfin je crois. Lui non plus n'aime pas être si proche des rois, je le sais bien, je n'en suis pas fan non plus, quand je sais tout ce qu'il a pu faire pour eux. Je suis persuadé qu'il ne s'en rendait pas compte, mais les faits sont là et il ne se pardonnera jamais totalement et il ne leur pardonnera pas non plus.
Je m'approche derrière lui, je me mets à sa hauteur et l'entoure de mes bras. Je pose mon menton sur son épaule : " Mi amor."

Quelques rayons de soleil percent petit à petit le ciel et sa main se met à briller. Pour certain ce fait est une hérésie, mais moi je l'aime aussi comme ça. Sans ça je ne l'aurais pas rencontré et mon monde aurait été bien plus fade. " Parle moi!"

Je suis Carmen du regard alors qu'elle vient s'asseoir près de moi, ses bras m'entourant rapidement alors que je la sens poser son menton sur mon épaule. Avec un léger sourire, plus sincère cette fois, je penche légèrement la tête pour l'appuyer contre la sienne, me laissant bercer contre elle.

"Cariña."

Je baisse mes yeux trop noirs vers le sol alors qu'elle me demande de lui dire ce que j'ai sur le cœur. A dire vrai, il est toujours plus facile d'avoir de mauvaises pensées que de les évoquer à voix haute.

"J'apprécie Carlisle, mais j'aimerai parfois qu'il nous attire moins d'ennuis qu'il ne le fait."

Rejeter la faute sur notre cousin est déloyal, je le sais parfaitement. Carlisle ne nous a jamais obligé à quoi que ce soit, et encore moins à déménager ici, aussi près de cette cité que j'ai un jour - à tord - considéré comme un foyer. Disons surtout que je ne connaissais pas d'autre allégeance que celle d'Aro. Si j'avais eu le choix, avant de rencontrer Carmen? En vérité, j'ignore ce que j'aurai fait, et c'est une partie de ma réflexion. Les Volturis sont ce qu'ils sont, mais en période de paix, ils savent offrir à leurs ouailles une stabilité sur laquelle peu de vampires cracheraient.

"Tu m'as sauvé, ce jour-là. Probablement autant d'eux que de moi-même. Et je ne t'en ai jamais remercié."

Ma main glisse sur son bras, caressant tendrement sa peau, alors que je retourne de nouveau dans mes pensées. Aussi casse-pied puisse être Edward, parfois, avoir quelqu'un plus capable que vous-même d'exprimer vos pensées pour vous, ça ne se refuse pas. Je garde le silence un moment, une petite éternité, avant de reprendre la parole, en toute honnêteté.

"Je suis terrifié, Carmen. Il y a une différence majeure entre risquer combattre les Volturis sur nos terres, avec le temps de s'y préparer, et risquer de les combattre chez eux, sur ces terres dont ils connaissent le moindre secret. Potentiellement avec le soutien d'Alice et d'Edward pour contrecarrer nos plans. Pas que je me défie d'eux, mais Chelsea a un don que je ne me risquerai pas à négliger, n'en déplaise à Esmée. Et cette fois, ils sont préparés à Bella. Nous n'aurons pas l'effet de surprise."

Et si Aro est un collectionneur assez assidu pour ne pas risquer de casser ses jouets dans la bataille, il en est autre chose de Caius. Seul l'intérêt stratégique d'un don l'intéresse. Et entre télépathie et voyance, c'est un duo de combattants de choc qu'il s'est offert. J'ai fait mes preuves au combat il y a longtemps de cela, et pourtant, je n'ai jamais pu porter un seul coup à Alice, lors de nos joutes amicales. Emmett y a d'ailleurs gagné pas mal d'argent, à ce jeu.

Eleazar était injuste envers notre cousin. Jamais ce dernier ne nous inviterait à le suivre dans une telle pagaille, jamais. Il avait été très proche d'Aro et je pense qu'en venant jusqu'ici il avait espéré pouvoir discuter avec lui, mais nous avions rapidement compris que c'est Caius qui était désormais le chef et que nous n'avions plus qu'à prier pour qu'il ne décide pas d'une tuerie de masse, même envers ceux de sa propre race si il le fallait. Rien qu'entendre prononcé son nom me faisait hérisser les poils de peur. je n'avais jamais apprécié les Volturi en règle général, mais il fallait reconnaître à l'ancien roi que lui au moins savait garder la paix, même si pour celà il était capable de décimer des clans et récupérer les plus importants pouvoirs pour la maintenir cette paix.

- Nous sommes venus ici de notre plein gré Eleazar. Nous ne pouvons tenir rigueur de cette situation à notre cousin. Nous avons décidé d'un commun accord de venir aider notre famille plutôt que de rester loin de tout celà. Si nous avions à nous plaindre de quelqu'un se serait de Garrett qui a foncé tête baissée, mais soyons honnête, cela nous démangé tous!

Il passe du coq à l'âne, mais je comprends relativement vite qu'il parle du jour où il est venu en Espagne avec l'idée d'embarquer un vampire pour l’amener aux italiens. Vampire que j'avais décidé de protéger et qui a permis notre rencontre. J'ignore également où je serais si je ne l'avais pas rencontré. J'aurais peut-être viré complètement folle avec les années. Je serais peut-être resté sanguinaire je l'ignore et franchement je préfère ne pas y penser.

- C'est inutile tu le sais bien, sinon je ferais de même et nous ne nous en sortirons jamais. C'est en tout cas ce que tu m'a dis la fois où j'ai essayé toi aussi de t'en remercier; et plus le temps passe plus j'approuve ces paroles! je ne pense pas que nous ayons beosin de ça toi et moi.

Ok la suite de son discours ne me rassure pas du tout, c'est même plutôt terrifiant. Nos cousins ont effectivement des dons puissants, sans compter les autres Volturis. Aro ne les avait pas choisi pour rien à l'époque. Nous serons bien faible fasse à eux si tout celà part mal. Seules, Kate et Bella, ne pourront y mettre un terme j'en ai peur. je suis juste derrière lui et je décolle mon menton de son épaule afin d'attraper lune de ses mains et d'entremêler ses doigts aux miens pour les serrer afin de le rassurer si j'en suis capable. j'ai peur aussi, mais ensemble nous sommes plus fort, nous l'avons toujours été.

Je laisse un coup d’œil rapide en direction de mon épouse quand elle me reprend sur mes paroles à l'égard de Carlisle, mes yeux noirs croisant le reflet doré des siens. Je n'ai jamais songé à lui demander comment ils étaient avant, ses yeux. Je la trouve magnifique de toute manière, qu'elle les ai rouges, dorés ou sombres.

"Lo sé, mi amor. Lo sé. Il n'y a rien à reprocher à Carlisle mais... je crois que ça me soulage d'en vouloir à quelqu'un. L'Italie et moi... Je t'avoue que je ne pensais pas remettre les pieds ici un jour, et dans de telles circonstances..."

Je lui souris alors qu'elle reprend les paroles que j'ai un jour moi-même prononcé à son égard un jour que nous avions échangé les rôles. Je l'aime, ma belle andalouse, et rien ni personne n'y changera jamais rien. Ce qui fait que je suis aussi sur de moi? Déjà, je le sais, c'est un fait établi. Ensuite, j'ai appris à connaitre Aro au fil des ans, et j'imagine assez facilement que Chelsea a du tenter sa chance avec son don avant qu'il ne me laisse partir.

Je sens Carmen bouger légèrement contre moi, et mes doigts se serrent autour des siens, quand je les sens se lier aux miens. Elle et moi on se comprend sans avoir besoin de mots pour ça, et malgré ce qu'elle peut dire, je ne la remercierai jamais assez pour cette vie qu'elle m'a offert. Je laisse couler un moment de silence, profitant simplement de sa présence, avant de croiser son regard du mien.

"Pendant que j'y pense. Rappelle moi de boucler Garrett dans la cave la prochaine fois qu'il a une brillante idée."

Je souris à ses paroles. Oui je le sais bien que c'est plus facile de se plaindre des autres. Nous, les femmes, il paraît que nous sommes connus pour cela, entre autres choses. Je me sers un peu plus contre lui, ses mains entourant son bras comme si j'allais me réchauffer, mais ce n'est clairement pas mon intention, je veux juste lui montrer que je suis présente si il a besoin de moi et en même temps cela me rassure. Un silence s'installe et je ne fais rien pour l'arrêter. Après autant de décennies passées ensemble nous n'avons plus besoin de mots et si pour certain il est néfaste, ce n'est pas notre cas. C'est Eleazar qui le brise en évoquant Garrett.

- Je pourrais même t'aider si tu veux!

Je lui souris de plus belle, avant de me lever et de lui tendre la main pour l'aider à se lever à son tour. Une fois fait, je reprends sa main et marche dans le jardin.

- D'après Emmett ils sont rentrés ensemble à Volterra, mais lui seul en est sortit, tu crois que nous avons une chance de le retrouver ? Kate serait dévastée si ....

Je ne termine pas cette phrase. Je n'ose même pas imaginer ce qui arriverait si nous devions perdre Garrett. Kate ne s'en remettrait pas. Je me mettais à sa place, en imaginant Eleazar à la place de Garrett. Si je devais le perdre ... Une larme m'échappe.

Je laisse un rire m'échapper quand Carmen me répond qu'elle m'aidera volontiers à boucler notre beau-frère dans la cave. Enfin, avec Garrett... fermez la porte à clef il sortira par la fenêtre. Mon épouse se relève et me tend la main, que je saisis avant de me lever à mon tour et marcher à ses cotés dans le jardin. Jusqu'à ce que Carmen reprenne la parole, avec un affolement dans la voix comme je lui en connais guère. Il n'en faut pas plus pour que je la serre contre moi, oubliant ma propre détresse pour me focaliser sur celle de ma compagne.

"Hé. Garrett est un fou mais un fou censé. Si y en a un qui est capable de rire au nez de Caius et en prime de s'en tirer sans une égratignure, c'est bien lui."

Si j'en fais une certitude? Presque, en vérité. J'ai confiance en Caius pour faire regretter sa petite incursion à Garrett... mais j'ai plus que confiance en Garrett pour apprécier le voyage et en redemander...

"A nous d'empêcher Kate de faire une connerie durant son absence. Je ne veux pas le voir revenir comme une fleur pour lui apprendre qu'on a perdu son épouse."

Je cale mon menton dans ses cheveux, la berçant un instant contre moi avant de la relâcher.

"Tu as quelque chose dans la tête. Une idée... Je croyais qu'un seul suicidaire suffisait à cette famille?"

En vérité, où qu'elle aille je la suivrais, même si ce doit être au cœur du nid de l'araignée qui m'effraye assez pour me couper l'appétit. Ce que je refuse en revanche, c'est de la laisser prendre des risques seule. C'est ensemble ou rien.